CYCLE DE VIE D'UNE VOITURE À HYDROGÈNE
PRODUCTION DE L'HYDROGÈNE
Ces dernières années, les scientifiques se sont penchés intensivement sur la question de protection de l’environnement et cherchent la solution parfaite. Et c’est notamment, dans l’industrie automobile que le sujet est principalement abordée. L’objectif est de trouver une alternative aux combustibles polluants. C’est ainsi que depuis quelques années le véhicule à hydrogène a refait surface du fait qu’il présente des atouts majeurs pour l’environnement. Il faut dire que ce gaz combiné à l’oxygène permet de ne rejeter que de l’eau soit exactement zéro émission de dioxyde de carbone (C02). Vu sous cet angle, l’hydrogène peut se présenter comme la solution miracle mais cela dépend du processus de fabrication utilisé…
Les méthodes de productions :
Par abus de langage, on parle plus souvent d'hydrogène. Cependant ce terme porte à confusion. En effet, c'est le dihydrogène qui est utilisé, ce gaz est le plus léger qui existe actuellement. Sa formule chimique se note : H2. Il est composé de 2 atomes d'hydrogène. Pour obtenir cette molécule, on utilise différentes méthodes de production [T1].
La plus connue est le reformage, aussi appelé le vaporeformage qui représente 95% de la production actuelle de dihydrogène [T2]. Il consiste à récupérer le dihydrogène contenu dans le méthane (CH4). La réaction chimique va casser les molécules qui, sous l'effet de la chaleur, vont libérer du dihydrogène mais provoquer du même coup des rejets de dioxyde de carbone (CO2).
Cet hydrogène produit par reformage, est ce que l’on appelle de l’hydrogène gris. Le problème de ce procédé est qu’il est très polluant notamment en matière d’émissions de gaz à effet de serre. « Quand on fabrique 1 kg d’hydrogène à partir de gaz naturel, on produit 9 ou 10 kg de CO2 », explique Philippe Boucly, président de France Hydrogène (ex- Afhypac) [Ev1]. On estime que l’hydrogène produit de cette manière génère environ 630 millions de tonnes de CO2 par an, ce qui est catastrophique pour l’environnement [Ev2]. C’est tout là le problème de l’hydrogène pour Jean-Marc Jancovici, ingénieur français, consultant et spécialiste de l'énergie et du climat, on produit non seulement du CO2 à l’issu du chauffage mais également une émission de CO2 est formé lorsque l’on brûle très fort un gaz pour chauffer. Le résultat avec cette méthode est que pour une voiture à hydrogène, on émet à peu près autant de CO2 qu’une voiture essence ou diesel [Ev3]. L’hydrogène gris peut être considéré comme « propre » ou appelé hydrogène bleu seulement si les procédés de reformation sont associés à des procédés de capture et de stockage du CO2 émis, cela entraîne forcément en contrepartie une augmentation du coût de production [Ev4]. D’après une enquête de terrain réalisée par le JT de TF1, certaines usines comme Air Liquide réussissent à recycler le CO2. Lors de la fabrication, le CO2 est capté, puis valorisé, liquéfié et purifié puis mis en stockage pour livrer des clients par la suite [Ev5]. Une autre solution serait d'enfouir le CO2 capté dans le sol notamment dans les gisements de pétrole ou encore dans les veines à charbon [Ev6], cette technique reste en questionnement du fait qu’en 2011, à Salah en Algérie, une tentative de stocker environ une année d’émission d’une centrale à charbon à provoquer des micro-séismes et donc par la suite, des fuites de CO2 dans l’atmosphère [Ev7]. Autant dire qu’aujourd’hui il n’existe pas ou peu d’hydrogène bleu sur le marché étant donné le prix des opérations supplémentaires qui sont très coûteuses.
Le second procédé à l'étude est l'électrolyse de l'eau. Cette méthode consiste à décomposer l'eau à partir d'un courant électrique. C'est-à-dire dissocier l'oxygène du dihydrogène. Il y a pourtant de nombreux inconvénients, le rendement est de l'ordre de 50% mais certaines méthodes alternatives actuellement en recherche annoncent des rendements entre 65% et 85% [Interview D. Hissel]. Cependant, cette technologie est extrêmement énergivore.
Pour que le nouveau vecteur énergétique qu’est l’hydrogène se range du côté des énergies vertes, c’est-à-dire faiblement émettrices de gaz à effet de serre, il est essentiel que sa production soit la plus « propre » possible. L’électrolyse de l’eau fait donc partie d’une des solutions qui permettrait à la fabrication de l’hydrogène de n'émettre aucun rejet de CO2. Il faut cependant une condition pour que l'hydrogène soit propre. Il est nécessaire que l’électricité soit d’origine renouvelable, solaire, photovoltaïque ou éolienne par exemple [Ev4]. L’hydrogène issue d’énergies renouvelables est nommé hydrogène vert.
Pour la société Lhyfe que nous avons interrogé, si la source d’énergie utilisée pour produire est propre, on obtient ainsi un hydrogène vert Lhyfe zéro émission, de la production à l’utilisation. Or, pour Jean-Marc Jancovici, aucune énergie renouvelable est neutre en carbone. Il explique cela par le fait que, certes l’électricité fournie est zéro émission mais l’installation de tous ces parcs d’énergies renouvelables, lui, n’est pas du tout neutre en termes de pollution. Entre la construction des pièces des panneaux solaires, les terrains verts détruits pour mettre en place les éoliennes… Le bilan n’est pas "fameux" [Ev3]. La production d'hydrogène, même branchée à une source renouvelable, a donc presque toujours un bilan carbone plus ou moins élevé. Le label "vert" ou "renouvelable" de la production d'hydrogène semble donc davantage lié à un lobbying forcené plutôt qu'à son véritable impact écologique [Ev2]. De plus, le processus d’électrolyse de l’eau nécessite beaucoup d’énergie et emploie 80 % de l’énergie électrique totale pour produire de l’hydrogène et les 20 % restants sont donc gaspillés et sont en moins dans le réseau pour répondre à la demande d’électricité nécessaire des consommateurs [Ev8].
Comme cette technologie est encore trop énergivore, le coût de production augmente. Ce dernier est 3 à 4 fois plus élevé que celui du vaporeformage du gaz naturel [T1]. Pour limiter ces problèmes, des chercheurs du CNRS proposent la valorisation des pertes thermiques de la réaction, en utilisant ces dernières dans la production d'eau chaude sanitaire.
Pour revenir au taux de carbone émis, d’après le schéma suivant, on peut voir que selon une étude de l’Agence International de l’énergie (IEA), l’hydrogène produit avec les énergies renouvelables semble émettre 0 kgCO2/kgH2 [Ec2]. L’hydrogène vert fait donc réfléchir et représente une alternative sérieuse aux autres carburants polluants.
Et pourtant, on peut relever un autre problème lié au procédé par électrolyse de l’eau, et pour cause : produire de l’hydrogène vert demande non seulement de grande quantité d’électricité mais également beaucoup d’eau, pour l'électrolyse et pour le refroidissement des équipements. D’après Hydrogen Europe, installer des électrolyseurs d’une puissance de 40 gigawatts, cela nécessiterait environ 250 millions de m³ d’eau par an. Une opération pas forcément appréciée par les pays arides où les manifestations de la soif se multiplient [Ev7]. L’utilisation de l’hydrogène n’a donc un réel intérêt dans la transition énergétique que s’il est fabriqué par électrolyse avec de l’électricité décarbonée (solaire, hydraulique, éolienne).
La gazéification de la biomasse [T5] est une méthode bien avancée pour le moment. La biomasse est constituée de tous les végétaux (paille, bois, etc…) qui se renouvellent à la surface de la Terre. Cette dernière consiste à séparer les molécules contenues dans la biomasse pour obtenir un mélange de monoxyde de carbone et de dihydrogène.
Pour cela, on décompose notre biomasse par action de la chaleur (plus de 1000°C) sur la biomasse. On utilise donc un réactif gazeux comme le gaz carbonique ou de la vapeur d'eau. On y applique ensuite de l'oxygène ou de l’air dans le but d'obtenir un mélange gazeux combustible appelé "syngas" pour gaz synthétique. C'est un mélange de monoxyde de carbone (CO) et d'hydrogène (H2), donné d'après la relation chimique :
Un avantage non négligeable avec la biomasse, c'est un bilan carbone équilibré car le CO2 rejeté est celui qui est absorbé par la photosynthèse ayant produit ces végétaux gazéifiés. On a donc un éco-bilan nul, le dihydrogène produit peut alors être qualifié d'hydrogène vert. Le schéma ci-dessus est un exemple de procédé de gazéification appelé procédé à lit fixe courant. Dans ce dernier, les étapes de gazéification s'effectuent de haut en bas. On récupère le gaz en bas du gazogène. A l'inverse du co-courant, il existe le procédé à lit fixe contre-courant. Ce dernier possède une entrée d'air par le bas et le gaz s'échappe par une vanne située sous son sommet.
Pourtant, cette technologie ne suscite pas de vifs intérêts tant son rendement est peu élevé. En effet, produire 1 kg de biomasse (bois par exemple) permet de produire entre 1 et 1,3 kWh d'énergie électrique et entre 1,7 et 2,5 kWh d'énergie thermique. Cela reste très faible comparé au gaz ou au pétrole qui fournit environ 12 kWh d'énergie thermique. Cette technologie s'applique donc plus à la création de biocarburants liquides comme le méthanol et ses dérivés. De plus, au niveau économique il ne serait pas assez compétitif pour concurrencer l'électrolyse de l'eau par exemple du fait du coût élevé de la biomasse.
Voici un tableau récapitulatif sur l'énergie consommée pour produire 1 molécule d'hydrogène [T6].
Du fait de son rendement élevé et de son faible coût énergétique, le reformage de l'eau est de loin la méthode la plus populaire.
Et le nucléaire dans tout ça ? Effectivement, l'hydrogène peut être fabriqué à partir de la vapeur d’eau sortant des usines nucléaires par électrolyse, c’est l’hydrogène jaune. Étant donné que les centrales n’émettent pas de CO2, ce procédé pourrait presque être considéré comme vert. De plus, la seule manière de rentabiliser les électrolyseurs pour le producteur d'électricité est donc de produire avec un fort facteur de charge. L'énergie nucléaire dont le facteur s'élève à 75% en France contre 22% pour l'éolien se trouve donc être le seul moyen pour augmenter les volumes de production, faire baisser le prix de l'hydrogène mais également, produire de l'énergie réellement verte [Ev2].
Malheureusement, en termes d’écologie et d’impact sur l’environnement, le problème majeur du nucléaire, c’est sa consommation élevée d’eau. Il faut en effet une quantité importante d'eau pour refroidir les réacteurs nucléaires qui montent en température. Et cette eau nécessaire est prélevée dans la nature, ayant ainsi un impact sur l’eau disponible, notamment en cas de sécheresse, pour d'autres utilisations mais aussi un impact sur les organismes vivants sur les sites de prélèvement de ces eaux. À la fin de son usage, l’eau est rejetée dans la nature en étant propre et non-radioactive mais de par sa différence de température et de son pH différent, elle peut mettre en danger les écosystèmes [Ev9]. De plus, si une explosion arrivait, du même type de celle de Tchernobyl, cela aurait des impacts environnementaux très conséquents. Ce n’est pas pour autant que le président Emmanuel Macron fera marche arrière sur son plan de relance de l'hydrogène à base du nucléaire. En effet, lors d’un déplacement au Creusot en début décembre 2020, le président a officialisé que la stratégie française de l’hydrogène reposera sur l’électricité nucléaire. « La filière nucléaire est essentielle au développement de l’ambition en matière d’hydrogène, a-t-il déclaré. Aucun pays européen ne peut produire de l’hydrogène avec un mix électrique décarboné comme nous pouvons le faire grâce au nucléaire. » [Ev10]. D’après la carte ci-dessous [Ev11] et le schéma du mix énergétique français [Ev12], on peut facilement voir que l’utilisation des centrales nucléaires est fortement présente en France. Sachant que l’électrolyse demande une quantité conséquente d’électricité, il est donc très intéressant de laisser le nucléaire dans le mix énergétique français. En comparant avec le mix énergétique d’un autre pays lancé dans l’hydrogène comme la Chine [Ev13], on voit qu'il n’est pas intéressant d’utiliser l’hydrogène jaune pour ce pays car ils ne produisent pas leur électricité essentiellement à partir du nucléaire. D’un point de vue économique et environnemental, il serait certainement mieux pour les pays dans le même cas que la Chine d’investir dans l’hydrogène vert.
Le stockage :
Sans moyen de stockage et de transport, notre dihydrogène restera inutilisable. Il est important de rappeler que le dihydrogène est un gaz très léger. En effet, sa densité est d'environ 0,09 g/L tandis que la densité de l'eau est de 1000 g/L. Pour un même volume, le dihydrogène est 11111 fois plus léger que l'eau et 11 fois plus léger que l'air. Du fait de cette légèreté accrue, il devient difficile de contenir l'hydrogène.
Pour avoir un volume moindre, le moyen le plus approprié est de descendre la température de ce gaz à -253°C, ce qui correspond à de l'hydrogène sous forme liquide. Sinon, on applique une pression de 700 bars sur ce gaz, il est alors comprimé ce qui nous permet de gagner en place sur un même volume [T7].
Une pression de 700 bars c'est 700 fois la pression atmosphérique, c'est équivalent à la force exercée par une voiture de 1,2 tonne sur une pièce de 1 centime d'euro. Alors qu'une pression d'1 bar représente la force exercée par une bouteille sur une pièce de 1 centime d'euro.
Ainsi, à 700 bars, l’hydrogène possède une masse volumique de 42 kg/m3 contre 0.090 kg/m3 à pression et température normales [T7]. À cette pression, on peut stocker 5 kg d’hydrogène dans un réservoir de 125 litres (de 50L à 70 L pour des réservoirs de véhicule thermique en moyenne).
Descendre à une température de -253°C permet d'obtenir un hydrogène liquide de masse volumique de près de 71 kg/m3, c'est-à-dire 700 fois plus dense qu'à température et pression atmosphérique ambiante. A cette température, on peut stocker 5kg d'hydrogène liquide dans un réservoir de 75 litres [T7]. Ce qui nous permet de nous rapprocher des volumes des réservoirs des véhicules à essence et gazole. Cependant, stocker et transporter de l'hydrogène sous forme liquide demande des outils de très haute technologie en cryogénisation pour pouvoir liquéfier et maintenir le gaz à l'état liquide. L'hydrogène à l'état liquide n'est donc utilisé que très rarement, seulement pour de grandes quantités (pour les fusées) [T8].
Des pistes de recherches prometteuses sur de l'hydrogène sous forme solide sont aussi à l'étude. Pour cela, on conserve l'hydrogène au sein d'un autre matériau [T7] ou bien à l’aide d’hydrures métalliques.
Sans compression ou baisse de température, l'idée d'utiliser de l'hydrogène ne serait ni compétitif ni valable d'un point de vue de rendement. Il est indispensable de modifier le comportement de l'hydrogène pour intégrer ce dernier dans un véhicule. Sinon, l'autonomie dans un véhicule serait trop faible pour considérer l’hydrogène comme le carburant de demain.
Le transport :
Acheminer l'hydrogène vers les stations de rechargement ou les industries ne se fait pas en clin d'œil.
Pour transporter notre dihydrogène, on utilise des camions de transport de gaz (contient des réservoirs/bouteilles tout-composite avec coque rotomoulée pouvant atteindre des pressions de 700 bars).
Pour transporter l'hydrogène sous forme liquide, l'utilisation des camions citernes est recommandé pour les quantités industrielles. Sinon, on utilise les réseaux de gazoduc pour des quantités importantes [T9].
Coût de production de l’H2 :
Pour le moment, on estime que la production d’hydrogène vert coûte 5€ par kilogramme. On peut descendre à 2.50€/kg si l’on produit de l’hydrogène bleu (capture du carbone) et même 1.50€ pour l’hydrogène gris (via gaz naturels) [E11]. Malheureusement, et comme c’est souvent le cas d’ailleurs, les méthodes les moins écologiques sont les plus économiques à mettre en place. Coûts de production de l’hydrogène aux USA en fonction des méthodes de production en 2019 :
On peut supposer que les coûts de production auront diminué grâce aux avancées de la recherche. Le conseil de l’hydrogène souhaite d’ailleurs diviser par deux les coûts de production de ce gaz à l’horizon 2030. [E11] Ce collectif représente une initiative mondiale qui regroupe les plus grandes entreprises dans le secteur des énergies, de l’industrie et des transports ayant pour ambition commune une expansion à long terme de l’hydrogène. Également, il faut savoir que pour l’utilisateur final, le kilogramme d’hydrogène revient à environ 10€ à la pompe. Or les véhicules ont une autonomie de l’ordre de 500 à 600 kilomètres, avec un réservoir contenant environ 5 kg d'hydrogène.
Une filière hydrogène prometteuse qui fait naître une course à la production :
Les pays d’Amérique latine, du Maghreb ou du Moyen-Orient ont un rôle à jouer dans la production d'H2 et ils sont nombreux à ambitionner de devenir le producteur majeur d’hydrogène à l’horizon 2050.
C’est le cas du Chili qui mise gros sur le futur de l’H2 et compte profiter de son niveau record de radiation solaire et des vents soutenus et continus du sud du pays pour se faire une place de choix dans la course à l’hydrogène. Le ministre chilien de l'Énergie Juan Carlos Jobet a d’ailleurs annoncé :
“Nous souhaitons être une puissance exportatrice d’hydrogène vert, mais aussi d’autres produits issus de sa production, comme l’ammoniac pour fertilisants et le méthanol comme carburant de synthèse. Avec notre système de production qui sera potentiellement le moins cher au monde, nous avons l’objectif ambitieux d’exporter à hauteur de 30 milliards de dollars à l’horizon 2050.”
Ces décisions ne sont toutefois pas au goût de tous. C’est le cas des ONG de défense de l’environnement qui craignent une tentative d’écoblanchiment du secteur minier et dénoncent le choix fait par le gouvernement du président Piñera de poursuivre une politique « extractiviste ». D’autres voix s’inquiètent de la consommation en eau requise par le procédé d’électrolyse dans un pays actuellement frappé par une sécheresse longue de 11 ans [G1].
D’un autre côté, l’Egypte porte ses espoirs sur le lac Nasser - plus grand lac artificiel du monde - qui est, de plus, dans une zone géographique extrêmement ensoleillée qui offre ainsi des conditions idéales pour le développement d’infrastructures de production d’hydrogène [G2]. Sa proximité géographique avec l’Europe ferait de lui un fournisseur de choix pour le marché européen qui risque très certainement de ne pas pouvoir subvenir à ses propres besoins. Le Maroc ainsi que plusieurs pays d’Afrique ont des caractéristiques géologiques et géographiques similaires à celles de l’Egypte, et l’Allemagne l’a bien compris. Le pays a en effet signé des accords avec le Maroc pour la création du premier site de production d’hydrogène vert du continent mais il suit également l’initiative H2 Atlas-Africa dont l’objectif est de soutenir le développement durable et économique à travers une économie de l’hydrogène viable avec un fort potentiel pour faire de l’Afrique, un exportateur d’hydrogène vert, gagnant ainsi encore plus de pertinence sur les marchés internationaux de l’énergie. Et bien évidemment celui de l’Allemagne [G3].
L’Arctique et les pays occidentaux ont de l’avance
En effet, notons le rôle que pourraient jouer les pays frontaliers de l’Arctique (Norvège, Islande, Russie, Groenland et Alaska). Le pôle nord est en effet riche en ressources hydroélectriques et géothermiques, deux ressources qui pourraient contribuer significativement à la production d’hydrogène décarboné. Le géant de l’hydrogène Air Liquide a de ce fait annoncé la construction au Canada du plus grand électrolyseur PEM (Membrane Échangeuse de Protons) au monde, d’une capacité de 20 mégawatts (MW) pour la production d‘hydrogène décarboné [G4]. Ces pays ont cependant un atout considérable sur la concurrence des pays latins ou africains puisqu’ils possèdent déjà, pour la majorité, des moyens économiques conséquents et suffisants à la réalisation de projets de production d’hydrogène à grande échelle. Il en va de même pour les pays d’Europe comme la France ou l’Allemagne qui ont investi respectivement 7 et 9 Md d’euros et prennent ainsi une longueur d’avance sur la majorité des pays du monde. Ces investissements restent tout de même insuffisants face à la croissance des pays asiatiques comme le Japon, la Corée du Sud ou la Chine qui ont d’ores et déjà un parc automobile hydrogène, principalement grâce aux constructeurs automobiles Hyundai et Toyota.
Ainsi, l’hydrogène vient bouleverser l’ordre actuel du monde et quelques pays vont pouvoir se développer autour de cette économie et exporter massivement ce gaz aux pays à fortes demandes énergétiques comme l’Europe occidentale ou le Japon qui ne pourront pas produire l’énergie renouvelable nécessaire à leurs besoins en raison de leurs territoires trop exigus et densément peuplés [G5].
FABRICATION D'UN VÉHICULE HYDROGÈNE
Un véhicule peut rouler à l’hydrogène s'il possède un moteur thermique ou bien un moteur électrique.
Selon M. Hissel, chercheur au CNRS, les véhicules à moteur thermique utilisant l'hydrogène comme combustible sont intéressants pour le transport aérien et maritime. Néanmoins, dans le domaine de la mobilité, l'approche la plus courante vise au développement des véhicules à hydrogène avec une base de véhicule électrique ou hybride.
On utilise plutôt un moteur électrique car l'hydrogène comme carburant dans un moteur thermique ne donne pas lieu à un rendement énergétique élevé, de l'ordre de 25%.
Les innovations récentes dans le domaine des véhicules électriques et hybrides permettent aux véhicules à hydrogène de profiter des dernières technologies comme la recharge de la batterie. Cette recharge est effectuée par conversion de l’énergie du freinage en énergie électrique. Cette méthode s’appelle le freinage régénératif.
Un véhicule à hydrogène n'est finalement qu'un véhicule électrique équipé d'une pile à hydrogène (pile à combustible).
Pour que notre véhicule roule à l'hydrogène, on retire la grosse batterie du véhicule électrique et quelques autres composants [Interview D. Hissel], pour ajouter dans cette voiture un réservoir d'hydrogène à haute pression (700 bars), la pile à hydrogène ainsi qu'une petite batterie. Cette dernière permet d'apporter un surplus d'énergie au moteur lors d'une accélération, lorsque le moteur demande un apport d'électricité élevé en peu de temps ou bien lors du démarrage du véhicule quand la pile à combustible n'est pas en marche.
Comme notre hydrogène est sous haute pression, la quantité de gaz délivré est importante. Par sécurité, on ajoute à ce réservoir des dispositifs auxiliaires dont une électrovanne, un régulateur haute pression et un clapet de sur débit ainsi que de nombreux capteurs répartis dans tout le véhicule pour prévenir le conducteur en cas d'incident. Ces dispositifs ont pour but de sécuriser le conducteur lors de son trajet en évitant la libération d'une trop grande quantité d'hydrogène d'un seul coup.
Cette technologie est pourtant bien moins dangereuse qu'un modèle à essence car tous les équipements subissent des tests draconiens avant d'être homologués.
Pour que notre véhicule fonctionne, on a besoin d'électricité. Cette dernière est produite par la pile à hydrogène. Elle utilise l'hydrogène situé dans le réservoir à haute pression et l'oxygène de l'air pour générer de l'électricité au sein même du véhicule. On ne rejette alors que de la chaleur et de l'eau.
La fabrication de ce courant électrique se fait par le biais d'une oxydo-réduction. Une électrode s'oxyde par action sur un combustible réducteur (le dihydrogène), une seconde électrode se voit appliquer une réduction à l'aide d'un oxydant comme le dioxygène ou l'air. La méthode d'oxydo-réduction met en jeu des électrons qui vont provoquer un courant électrique. Pour accélérer ce processus, la pile à combustible est équipée d'un catalyseur comme le platine [T12].
Pour mieux comprendre cette réaction, regardez l'animation ci-dessous :
Le rendement:
Le rendement énergétique est aux alentours de 50% [T15], ce qui correspond à 2 fois le rendement de la combustion de l'hydrogène dans un moteur thermique. Pour information, dans un moteur thermique, le rendement du diesel est de 42% et celui de l'essence de 36% en moyenne [T16].
L'utilisation de l'hydrogène dans un véhicule est donc plus valable que dans un moteur thermique. Pour une même distance parcourue, la consommation en hydrogène sera moindre.
Cependant, la pile utilise des matériaux très coûteux tel que le platine qui sont très durs à trouver. De plus, même avec les avancées observées jusqu'à maintenant, le cycle de vie d'une pile à hydrogène est seulement de 4000h. Bien qu'une évolution notable ait eu lieu depuis 15 ans, lorsque la pile à combustible ne dépassait pas les 20h de cycle de vie, cela reste toujours inférieur au cycle de vie d'un moteur thermique qui possède un cycle de vie de l'ordre de 5000 h [Interview D. Hissel].
La technologie à hydrogène n'est pas encore complètement mature.
Voici un plan détaillé de la Toyota Mirai, voiture à pile à combustible :
La plupart des véhicules en conception avancée sont à base de piles à combustibles. Pour les marques telles que Hyundai (Nexo), Toyota (Mirai), Honda (Clarity) ou Mercedes (GenH2 / GLC F-Cell), c’est le cas [T18]. Ces derniers sont pour l’instant les seuls qui sont à un stade aussi avancé dans la conception de véhicules à hydrogène. Des essais avec des bus ont lieu à Pau où, avec l’aide d’ENGIE, la municipalité a déployé 8 bus à hydrogène [T19].
Hormis le GenH2, tous les véhicules cités ci-dessus sont des voitures. Le GenH2 est un poids lourd encore à l'état de concept mais qui pourrait arriver sur le marché d'ici 2023 [T20]. Le GLC F-Cell développé par Mercedes-Benz n'est plus en production, développé en petite série, ce projet a été abandonné au profit des poids lourds à hydrogène.
Les atouts majeurs des véhicules à hydrogène sont l’utilisation de technologies déjà bien avancées des véhicules hybrides, ils peuvent alors recharger en énergie lors du freinage de la voiture. De plus, la voiture n’émet pas de pollution sonore, et possède une autonomie supérieure (environ 600 km pour les voitures) par rapport aux véhicules électriques [T21].
L'hydrogène a de l'avenir mais il reste de nombreux obstacles à surmonter pour qu'il trouve sa place sur le marché de l'hydrogène tout en respectant les normes environnementales et les besoins actuels.
Pour continuer, d’un point de vue purement écologique, l’hydrogène n’est pas une solution miracle comme on a pu le voir dans la partie “Production de l’hydrogène” et cela se confirme d’autant plus avec l’effet rebond. Ce phénomène d'hydrogène vert amène la population à s'intéresser de plus près à cette nouvelle technologie et donc amène à une augmentation de son usage et des externalités négatives. En effet, le piles à combustibles nécessitent notamment d’un métal rare, le platine qui est extrait en Afrique et qui doit donc voyager. En entraînant une hausse de la demande de pile à combustible, on entraîne par conséquent une hausse de la demande de platine et donc une hausse d’émission de CO2 lors de son extraction et son transport [Ev14].
Investissement dans l’hydrogène :
La filière de l’hydrogène est actuellement en plein essor et des investissements massifs sont réalisés par différents pays : la France, l'Allemagne, la Chine, le Japon, la Corée du Sud font partie des principaux concernés. Pour mieux comprendre l’enjeu de ces investissements, on peut rappeler que “le marché global de l’hydrogène représentait environ 115 milliards de dollars en 2017 et devrait croître rapidement pour atteindre plus de 150 milliards de dollars à l’horizon 2022 ”[E1]. Selon l’AFHYPAC, « A l’horizon 2050 l’hydrogène décarboné pourrait répondre à 20 % de la demande d’énergie finale et pourrait réduire les émissions annuelles de CO2 d’environ 55 millions de tonnes » [E2]. De plus, ils nous précisent que « L’hydrogène décarboné et les piles à combustible permettent également de créer une industrie à part entière qui, en 2030, représenterait un chiffre d’affaires d’environ 8,5 Md€, pour plus de 40000 emplois »[E2].
Sur le marché de l’hydrogène, « le Japon a été un des premiers pays à élaborer une stratégie pour le développement des technologies hydrogène » [E3]. La Chine semble être arrivée très tôt également. En effet, soucieux de décarboner son atmosphère, le gouvernement chinois avait annoncé dès novembre 2016 « plan pour construire une infrastructure suffisante pour alimenter 50 000 véhicules électriques pile à combustible en 2025 et 1 million en 2030 » [E4]. En ce sens, depuis 2010, la production chinoise d’hydrogène croît au rythme de 6,8% annuel et s’élève à 21 millions de tonnes en 2018, soit 18% de la production mondiale [E5]. Le Japon et la Corée du Sud, de par leurs entreprises respectives Toyota et Hyundai notamment, sont toujours très actifs sur la question.
L’Europe est également dans la course. Les deux leaders sont l’Allemagne, avec un plan à 9 milliards d’euros et la France qui souhaite investir 7 milliards d’euros d’ici 2030 dans la filière. Ces investissements ont pour la France 3 objectifs principaux : décarboner l’industrie tout en faisant émerger une filière française de l’électrolyse (hydrogène vert), développer une mobilité lourde à l’hydrogène et enfin soutenir la recherche et le développement [E6]. De ces 7 milliards d’euros, 2Md vont venir du plan de relance de 100Md annoncé par Jean Castex en septembre 2020 [E7]. La France compte notamment s’appuyer sur ses gros industriels en place (image des membres de l’AFHYPAC ci-dessous)
La France a également besoin d’innovation et donc de startups qu’elle peut soutenir financièrement à grand renfort de subventions (voir article Lhyfe). De façon plus locale, on voit émerger des projets autour de ce gaz. Typiquement, on peut évoquer les stations de recharge en création. L’une d’elle se trouve au nord de Nantes et est actuellement utilisée par deux véhicules de la TAN. À l’avenir, l’objectif est de permettre aux particuliers de se recharger [E8].
Si l’ambition de la France semble compréhensible, on peut voir qu’elle débourse énormément d’argent actuellement, et qu’elle prévoit d’en dépenser davantage encore dans les années à venir. C’est une position qui peut s’avérer risquée si l’on se rend compte qu’un verrou technologique ne peut pas être levé dans quelques années.
* L’ANCRE : Elle coordonne l’action des principaux organismes publics de recherche dans le secteur de l’énergie.
* L’Académie des technologie : académie fondée en France ayant pour objectif principal « un progrès raisonné, choisi, partagé ». Son rôle est avant tout de conseiller le gouvernement Français.
Selon ces organismes, la France prend trop de risques à miser sur l’H2 et devrait plutôt répartir ces actions. Voici quelques projets qui devraient être davantage soutenus (toujours selon l’ANCRE et l’Académie des technologies) : « le stockage de l’électricité avec la question clef des batteries pour les véhicules électriques, la construction de réseaux ‘intelligents’, l’amélioration du rendement des filières renouvelables et les procédés pour la production de biocarburants » [E9].
Un autre souci que présente cette filière et qui peut considérablement rallonger sa viabilité à court et moyen terme, c’est la capacité qu’auront les différents acteurs à travailler ensemble tout en restant compétitifs en fin de chaîne. C’est le point de vue que souligne De Perthuis (2020) : « la clef de la réussite sera moins la quantité d’argent public mise sur la table, que la capacité à faire entrer en synergie tous ces acteurs venus d’horizons différents » [E1]. Aussi, toujours d’après l’étude sur les enjeux économiques de la filière hydrogène, « le marché de l’hydrogène vert devra d’abord passer par les matières premières (feedstock) pour les applications industrielles puis pour l’alimentation (power) dans les applications stationnaires et ensuite la mobilité qui pose le plus de problèmes (coût, disponibilité des infrastructures, sécurité). Plus largement, le développement de l’économie de l’hydrogène dépendra aussi du degré de coopération internationale entre les pays dans un monde post-covid instable, de même que de l’acceptation sociale de l’hydrogène par les consommateurs ». Enfin, le plan de relance Français accorde une grande priorité à l’hydrogène vert, la plus écologique, cependant d’après l’académie des technologies [E10]: « le développement de la filière hydrogène relève du temps long […] des perspectives séduisantes sont ouvertes ; mais leur point d’arrivée n’est pas acquis […] On ne saurait construire une politique énergétique sur des espoirs ».
La tentation pour investir dans l’hydrogène semble grande car, s’il s’avère que l’H2 est le carburant du futur, la France pourrait se placer dans les leaders du marché (même si la concurrence est déjà rude à ce sujet). Cette position pourrait alors être créatrice de nombreux emplois en plus de devenir un marché très lucratif. Cependant, on voit que la question des investissements français est bien moins sûre qu’ils n’y paraît. Des réserves sont émises sur la capacité d’obtenir un produit compétitif, ayant dépassé les contraintes technologiques actuelles tout en restant dans des calendriers tenables.
DISTRIBUTION
Définition historique et analyse plus récente du concept:
Nous sommes actuellement dans une industrie tournée vers les hydrocarbures. Cependant, le terme d’économie de l’hydrogène se fait peu à peu entendre dans notre société. Pour l’expliquer simplement, c’est une économie futuriste dans laquelle l’H2 sera utilisé comme carburant pour produire de la chaleur, pour stocker de l’énergie, pour transporter de l’énergie (à éclaircir) mais aussi dans l’industrie automobile comme simple carburant. Une telle économie permettra potentiellement de réduire les effets sur le réchauffement climatique de l’utilisation des hydrocarbures. [E13]
Il faut savoir que cet attrait pour l’hydrogène n’est pas récent. En effet, à partir du XIXème siècle, Jules Vernes fut l’un des premiers à envisager l’hydrogène comme un composant à part entière de notre quotidien. Il l’a notamment affirmé dans l’île mystérieuse (1875) : « Oui, mes amis, je crois que l’eau sera un jour employée comme combustible, que l’hydrogène et l’oxygène, qui la constituent, utilisés isolément ou simultanément, fourniront une source de chaleur et de lumière inépuisables et d’une intensité que la houille ne saurait avoir. » [E14]. De nos jours, il existe un réel engouement pour la recherche sur les technologies liées à l’hydrogène. Qui sont les acteurs voulant prendre part dans cette potentielle économie de l’hydrogène ? Qui sont ceux, au contraire, qui ne croient pas en l’hydrogène ? L’hydrogène est-il un pari risqué ou un investissement lucratif à long terme pour les organismes ?
Un concept historique au cœur d’une controverse moderne:
Citons tout d’abord le cas du constructeur automobile Volkswagen AG. Le PDG a pris la parole à de nombreuses reprises afin d’expliquer son point de vie sur l’H2. Depuis 2019, M. Diess avait affirmé que « l'hydrogène vert est nécessaire pour verdir la production d'acier, le secteur de la chimie et le secteur aéronautique » mais qu’il « ne devrait pas finir dans des voitures ». Il avait notamment appuyé ses propos en qualifiant cette technologie : « inefficace », « cher » et « difficile à transporter » [E15]. Il avait par ailleurs décidé de rallier ses différentes filiales, c'est-à-dire Volkswagen, Audi, Bugatti, Seat et 9 autres marques à son point de vue. Tous les projets se sont alors gelés. Plus tard, en janvier 2020, le PGD à préféré lisser ses propos en déclarant : « Volkswagen réduira les ressources consacrées aux piles à combustible, car elles ne seront pas aussi compétitives que les transmissions électriques à batteries avant au moins une décennie ». L’intention de la part du groupe semble plutôt claire. Alors que beaucoup misent sur une technologie émergente, Volkswagen a pour l’instant pris la voie de la sécurité. En effet, pour le moment l'état de la recherche sur les véhicules électriques à un train d’avance sur l’hydrogène. En termes de statistiques, on peut comparer le nombre de ces deux types de transports dans le monde en 2018 et 2019 pour s’en convaincre.
Actuellement en France, le marché des véhicules particuliers fonctionnant avec une pile à combustible reste assez confidentiel. On y voit cependant les constructeurs Toyota et Hyundai proposer des modèles. Pour les professionnels, il existe également la Renault Kangoo, disponible depuis fin 2009. L’un de ses avantages par rapport à la version électrique est le gain d’autonomie. L’utilitaire passe en effet de 230 km à 370 km avec un plein de 1.78 kg d’hydrogène (sous 350 bars) [E17].
Concernant Toyota, leur volonté est nette : miser sur la pile à combustible plutôt que sur l’automobile électrique 100% rechargeable. D’après les dires du vice-président exécutif de Toyota, Didier Leroy, « Le véhicule à hydrogène va se développer en 2020-2025, avec un vrai décollage après 2025 » [E18]. Les avantages de l’H2 seraient les suivants : temps de recharge très brefs et autonomie comparable aux modèles essence qui corrigeraient les contraintes des batteries d’aujourd’hui. Malgré ceci, il existe toujours de lourds verrous technologiques qu’il faudra lever si la filière veut concurrencer l’électrique. Cependant Toyota continue toujours d'investir afin de perfectionner ses modèles. On évoque la nouvelle Toyota Mirai présentée au salon de Tokyo. Également, et en partenariat avec Hino, Toyota a annoncé le développement d’un poids lourd de 25 tonnes à l’hydrogène avec une autonomie annoncée de 600 km.
Ces différents constructeurs ont au final un même but, produire la voiture zéro émission (ou presque) de demain. Volkswagen préfère miser sur une filière bien établie dont on connaît davantage le potentiel et qui a peu de chance de disparaître. De l’autre côté, Toyota à une vision plus ambitieuse mais également plus risquée. L’hydrogène dans le cadre automobile est une filière en pleine création et l’existence future d’un réel marché ne sera possible que si les problèmes technologiques et logistiques sont surmontés. Dans ce sens, de nombreux pays et entreprises investissent massivement dans la recherche et le développement de telles solutions.
La Russie tente d’imposer sa supériorité gazière sur le futur marché de l’hydrogène :
Pour poursuivre, au niveau mondial, alors que de nombreux pays suivent un plan de développement Hydrogène pour subvenir aux besoins futurs de leur population, la Russie ambitionne, elle, de devenir l’un des principaux producteurs mondiaux d’hydrogène. Son plan dévoilé mi-2020 vise à exporter 200 000 tonnes d’hydrogène en 2024 et deux millions en 2035. [G6] La Russie veut clairement se positionner sur le marché européen de la décarbonation : l’UE doit décarboner rapidement son économie et ne pourra, pour cela, pas compter sur ses seules ressources en ENR pour disposer d’hydrogène décarboné en quantités suffisantes. Une fenêtre de tir de deux décennies s’ouvre donc pour la Russie qui entend bien continuer à rester l’un des fournisseurs majeurs de gaz de l’Europe occidentale : jusqu’en 2040, la Russie estime que l’UE devra importer de l’hydrogène. Mais que sera cet hydrogène russe ? Un hydrogène “jaune”, issu de l’électrolyse de l’eau par de l’électricité nucléaire, c’est en tous cas le projet de Rosatom -entreprise publique russe spécialisée dans le secteur de l'énergie nucléaire-, mais aussi un hydrogène “bleu”, issu de la thermolyse du méthane sans oxygène avec captage du CO2 : c’est le projet de Gazprom -société anonyme russe connue principalement pour l'extraction, le traitement et le transport de gaz naturel-.
Le projet de gazoduc porté par Gazprom, Engie, Uniper, Wintershall, OMV et Shell -entreprises majeurs du secteur énergétique mondial- consiste à doubler le gazoduc existant “Northstream”, long de 1230 km qui relie le port russe de Vyborg au fond du golfe de Finlande au port allemand de Greifswald de l’autre côté de la mer baltique. “Northstream” est présenté comme pouvant aussi transporter un mélange de méthane et d’hydrogène jusqu’à un rapport 80/20 (respectivement 80% de CH4 / 20% de H2). La construction des 6% restants du gazoduc a repris début décembre 2020, malgré les réticences américaines et polonaises. Le gouvernement ne s’arrête toutefois pas à l’exportation de ce précieux gaz et suit une feuille de route plus large visant notamment au développement et déploiement de technologies propres. [G7]
Pour finir sur cette partie distribution de l’hydrogène, une équipe de chercheurs de l’Atelier d’écologie politique de Reporterre a calculé l’électricité qui serait nécessaire à la mise en circulation des cent mille camions à l’hydrogène décarboné prévu pour 2030 par l’Union Européenne dans le cadre de leur « stratégie de l’hydrogène pour une Europe climatiquement neutre », présentée en juillet 2020.
Voici ce qu’ils ont obtenu :
Résultat : pour alimenter cent mille camions de plus de seize tonnes parcourant une moyenne de 160.000 km/an, il faudrait 92,4 TWh/an (térawattheures par an), soit quinze réacteurs nucléaires ou 910 km² de panneaux solaires. Et si on cherchait à remplacer la totalité du parc de poids lourds en faisant rouler trois millions de camions à l’hydrogène, il faudrait alors 2.772 TWh/an, soit 427 réacteurs nucléaires ou 27.200 km² de panneaux solaires, c’est-à-dire plus de deux fois la taille de l’Île-de-France ! [Ev16]. Ce qui montre que la mise en place d’un parc composé seulement de véhicules à hydrogène est impossible. Et d’un point de vue écologique, ce n’est vraiment pas viable.
De plus, le problème du rendement de l’hydrogène est un réel frein au développement car s’il y a besoin de 3 fois plus d'électricité que ce que la voiture utilise réellement cela veut dire que l’on prive d’autres usages d’électricité. On aurait donc besoin de refaire toute une organisation au niveau de la distribution dans le réseau ce qui n’est pas une mince affaire [Ev17].
UTILISATION
Pour utiliser un véhicule à hydrogène, il nous faut notre précieux gaz. Cela exige la mise en place de nombreuses stations de distribution d'hydrogène.
Elles peuvent délivrer de l'hydrogène liquide ou gazeux [T22]. Cependant, distribuer de l'hydrogène liquide demande des techniques avancées en cryogénie. La solution la plus adaptée est alors une station de distribution d'hydrogène gazeux pour des véhicules légers comme les voitures.
La production de l'hydrogène peut se faire au sein même de cette station par électrolyse de l'eau ou par vaporeformage, cela offre alors une grande liberté de production de l'hydrogène ainsi que pour les lieux d'installations de ces stations. Une production centralisée n'est donc pas nécessaire mais est pourtant le moyen d'approvisionnement des stations en hydrogène le plus courant.
Après avoir produit cet hydrogène ou bien après avoir reçu une livraison d'hydrogène jusqu'à cette station, on s'intéresse aux moyens de recharge de notre véhicule.
Notre hydrogène gazeux est contenu sous pression dans notre station. Pour distribuer notre gaz, il existe 2 possibilités : le transfert direct du gaz sous pression ou par échange de réservoir.
Les réservoirs des voitures à hydrogène sont des réservoirs composites permettant de stocker des gaz sous pression de l'ordre de 350, 500 ou 700 bars.
La première méthode consiste à transférer directement le gaz sous pression dans le réservoir composite d'un véhicule. La manipulation du gaz sous pression est à ce jour parfaitement maîtrisée. Cependant, le transfert à répétition demande des aménagements.
Il faut rappeler que l'hydrogène sous forme gazeux est bien différent d'un liquide tel que le gazole ou l'essence. En effet, un liquide s'écoule d'un récipient à un autre par action de la gravité ou par l'action d'une pompe volumétrique. Dans cette dernière, le fluide est emprisonné et est donc forcé à se déplacer jusqu'à la sortie.
Il nous est bien plus difficile de déplacer un gaz vers un point précis qu'un liquide. Notre hydrogène est donc différent d'un carburant de moteur thermique.
Un gaz ne se déplace en grande quantité que lorsqu'une différence de pression notable (de plusieurs bars) est maintenue entre l'amont et l'aval (le haut et le bas). Pour remplir notre réservoir, on peut directement effectuer le transfert du gaz à l'aide d'un compresseur ou bien par transfert à partir d'une réserve de surpression.
Effectuer le transfert direct de gaz à l'aide d'un compresseur requiert une certaine continuité et stabilité de fonctionnement, ce qui est peu compatible avec les nombreux rechargements successifs auxquels une pompe de distribution doit faire face.
Un transfert à partir d'une réserve de surpression est l'autre solution envisageable. Elle semble être une meilleure solution mais elle est limitée car cela exige que la pression du gaz dans la réserve reste supérieure à la pression du remplissage des véhicules. Il faudrait donc une réserve à haute pression avec un grand volume.
Si on souhaite transférer notre gaz sous pression, le meilleur moyen revient à superposer les deux méthodes ci-dessus. L'hydrogène de la réserve va avoir une pression maintenue toujours supérieure à celle du remplissage grâce à un compresseur commandé par un régulateur de pression.
Cependant, cette méthode à ses inconvénients. Lors du remplissage du réservoir d'un véhicule, ce dernier s'échauffe puisque la pression de l'hydrogène augmente subitement. Suffisamment rapidement pour que cette compression soit quasi-adiabatique (des échanges de chaleur avec l'extérieur n'ont pas le temps de se produire). Cet échauffement dépend de la vitesse de transfert et des différentiels de pression. L'élévation de cette température peut être de plusieurs dizaines de degrés.
Pour garantir la quantité de gaz délivré, un temps de rechargement entre 3 et 5 minutes, éviter la détérioration du réservoir composite, une maîtrise et un contrôle parfait du transfert est requis. En effet, si on constate un échauffement, lorsque le gaz revient à température ambiante, sa pression diminue, elle sera donc nettement inférieure à celle prévue pour l'automobiliste, ce qui peut entraîner une gêne évidente pour le conducteur.
Pour pallier ce problème, on refroidit préalablement l'hydrogène à -40°C, ce qui permet lors du transfert d'obtenir une pression qui était initialement prévue si l'hydrogène était à température ambiante. C'est une pratique courante pour les remplissages à 700 bars.
L'alternative au transfert direct du gaz sous pression est l'échange de réservoir. Cela consiste à remplacer un réservoir vide par un autre rempli préalablement. Cette solution est peu utilisée dans les transports du quotidien à cause de la manutention mais à son efficacité car le temps de remplacement est relativement court (utile pour les courses automobiles).
Ces stations à hydrogène commencent à émerger partout dans le monde. Pour produire sans surconsommation d'énergie, la décentralisation de la production de l'hydrogène est nécessaire. Elle pourra se faire si les stations deviennent autonomes. C'est-à-dire si elles sont capables de produire elles-mêmes leur hydrogène pour alimenter les véhicules.
Certains pays investissent grandement dans le développement de stations et des véhicules pour espérer aboutir sur une filière hydrogène complète.
La Chine en est un exemple majeur puisqu’elle ne lésine pas sur les moyens pour développer la filière des véhicules à PAC et a déjà investi plus de 11 Md d’euros en 2018. Cette stratégie d’investissement a déjà été mise en place pour le photovoltaïque et le véhicule électrique et a permis l’émergence de « champions » nationaux tels que BYD et CATL pour les véhicules électriques, mais également et principalement dans l’objectif d’évincer la concurrence étrangère dans le pays. L’objectif de production de véhicules à PAC est fixé à un million d’ici 2030. A titre de comparaison, le Japon a fixé un objectif de 800000 véhicules à PAC à l’horizon 2030 et la France entre 20000 et 50000 véhicules en 2028. [G8]
En février 2018, des constructeurs automobiles (SAIC Motor, Dongfeng Motor…), des industriels spécialisés dans d’autres secteurs (Baosteel), des entreprises d’état (CRRC, State Grid Corporation of China…), des universités (Université Tsinghua, Université Jiaotong de Shanghai, Université du Zhejiang…) et des instituts de recherches (China Iron & Steel Research Institute Group…) signent la création de la “China National Alliance of Hydrogen and Fuel Cell”, appelée aussi “China Hydrogen Alliance”, regroupant les grands acteurs chinois de l’hydrogène sur l’ensemble de la chaîne. Elle bénéficie d’un fort soutien du gouvernement.
Le 13e plan quinquennal chinois encourage par ailleurs les coopérations avec les entreprises étrangères. De nombreux accords ont été signés depuis, à l’image du groupe Air Liquide, implanté en Chine de longue date, avec la start-up STNE (Shanghai Sinotran New Energy), l’entreprise Sichuan Houpu Excellent Hydrogen Energy Technology, et Yankuang Group.
Coûts des stations à hydrogène :
Pour continuer, selon un rapport de l’AFHYPAC publié en 2018, il est normal que l’investissement concernant les premières stations déployées soit plus important [E20]. En effet, après avoir proposé des modèles pilotes, certains types de station vont être plus ou moins standardisés ce qui permettra de réduire les coûts globaux. Si l’on parle de l’investissement de départ, le facteur prééminent est son dimensionnement. Pour les petites stations (fournissant 10 à 50 kg d’hydrogène par jour) les coûts d’investissement varient entre 150000€ et 600000€. Pour une station plus importante, c'est-à-dire fournissant plus de 100 kg d’hydrogène par jour, il fallait compter entre 1 et 2.5 millions d’euros sachant que la moyenne était de 1.5 million d’euros. Aujourd’hui nous avons un peu plus de recul sur ce type de projet. D’après un article publié sur h2-mobile concernant la société H2Ref, celle-ci aurait réussi à réduire de 40% les coûts d’investissements par rapport à une station classique en ayant trouvé un nouveau système de compression [E21]. Il s’agit d’une belle avancée qui va dans le sens de ce que l’on peut espérer du progrès technique. Il faut tout de même nuancer le propos sur le fait que la commercialisation officielle n’est prévue que dans deux ans. D’ici là tout peut arriver…
Outre l’investissement, les coûts opérationnels sont à prendre en compte. Toujours selon le même rapport de l’AFHYPAC, ils sont généralement de l’ordre de 3% à 5% coûts d’investissement. Différents paramètres sont à prendre en compte : taille de la station, fournisseur, rendement, fréquentation, prix des matières premières… [E20]
Bien d’autres choses sont à prendre en compte pour l’ouverture d’un centre de recharge à hydrogène mais ceci permet de comprendre les principales caractéristiques. C’est un investissement de taille qui peut freiner bon nombre d'entrepreneurs pour le moment. Ceci dit, avec un projet fiable, certains peuvent espérer être subventionnés à échelle locale ou nationale.
Coût des voitures pour un particulier :
Les voitures à hydrogène sont pour le moment très peu présentes sur le marché de l’automobile. L’offre existe tout de même, on peut trouver des véhicules aux alentours de 60000€ éligibles au bonus écologique de 3000€ proposé par la France [E19]. C’est un coût conséquent dont tout le monde ne peut pas se permettre. Le coût de la recherche et du développement pour les entreprises est énorme dans ce secteur c’est notamment pour cela que l’on ne risque pas de trouver d’hydrogène low-cost pour le moment. En revanche, et s’il s’avère que le marché perce réellement l’économie mondiale, on pourra alors trouver des modèles à plus bas prix pour convenir à tout type de particuliers.
Malgré le prix élevé d’un véhicule à hydrogène, l’un de ces principaux atouts est qu’il n’émet pas, à l’échelle locale, de CO2 dans l’atmosphère. En revanche, on n’y pense pas souvent mais la pollution n’est pas seulement émise au niveau du pot d’échappement, elle peut être émise également par l’abrasion des freins, des pneus et des revêtements routiers et ceci le véhicule n’y échappe pas [Ev16]. Peut-on donc toujours dire que ce véhicule n’émet que de l’eau ? C’est la grande question.
Selon Laurent Castaignède [Ev17], la production d'hydrogène représente 2% des émissions mondiales de gaz à effet de serre alors que l’utilisation de l’hydrogène dans la mobilité ne représente qu’une goutte d’eau aujourd’hui. Substituer ces 2% demande des investissements colossaux en termes énergétiques si on souhaite que l’hydrogène utilisé soit vert car cela nécessiterait de construire des barrages, de planter des éoliennes, des centrales nucléaires en plus. Finalement, ces 2% ne disparaîtraient pas si facilement, il serait idéalement divisés par 2, il resterait donc 1% ce qui reste toujours énorme en termes d’émission de CO2. D’autant plus qu’aujourd’hui rien n'est mis en place et il y a encore tout à penser, inventer et développer. Or dans le cas de l’hydrogène utilisé pour l’industrie, il s’agirait essentiellement de mise en chantier et de livraison, quelque chose de beaucoup plus facile à mettre en place et intéressant. Donc pour Laurent Castaignède, l’hydrogène dans la mobilité n’est pas du tout la priorité carbone. “ L’hydrogène dans les 20 ans à venir n’a aucun intérêt carbone. Cela ne veut pas dire pour autant que l’on ne va pas faire de la recherche. ” nous a-t-il dit.
Cependant, d’après lui, du point de vue de la pollution de l’air, notamment l’air urbain, si nous avons un moyen aujourd’hui de remplacer les véhicules polluants par des véhicules qui ne rejettent que de l’eau, d’un point de vue écologique cela semble plutôt intéressant. De plus que pour la mobilité maritime et fluviale, il s’agit de gros moteurs et donc il est plus facile de construire des moteurs de cette taille là plutôt que plein de petits moteurs disséminés sur des véhicules routiers. En ce qui concerne les véhicules terrestres, la question de la pollution de l’air est vraiment question d'actualité. Et pourtant comme solution a déjà été trouvé le véhicule électrique or un des problèmes majeurs de ces véhicules concerne leur batterie qui sont en quantité limitée puisqu’elle requièrent des métaux rares. À ce moment-là, l’hydrogène en ville peut venir pallier le problème.
Prenons l’exemple des taxis. Un taxi parcours de nombreux kilomètres dans la journée, et la licence des taxis coûtent tellement cher que de nombreux chauffeurs de taxis se partagent un véhicule qui est donc utilisé en "⅜" au même titre qu'une machine dans une usine. Et donc si l'on utilise un taxi qui fonctionne à l'électricité, l’ennui sera que sa batterie ne tiendra pas du tout la journée et c’est là que l’hydrogène peut être une bonne alternative. L’autonomie des véhicules à hydrogène se situe autour des 500-1000 km alors que pour un véhicule électrique, on se situe plutôt autour des 400 km. Cette alternative de l'hydrogène peut s’appliquer sur tous les véhicules qui circulent énormément dans la journée (poids lourds, taxis, véhicules de livraison urbaine..). On pourrait en déduire que l’hydrogène est utilisé à défaut d’autres choses. “L’hydrogène doit être utilisé pour les véhicules à usage intensif et non pas pour les véhicules de monsieur et madame.”, nous a-t-il énoncé lors de l’entrevue. En conclusion de l’interview avec Laurent Castaignède, si l'on fait 50 km par jour, aucun des deux véhicules n’est recommandable (choisir plutôt essence ou hybride) car cela serait du gaspillage d’énergie et de matériaux. Si l’usage du véhicule est de 200 km par jour en milieu urbain, il vaut mieux le véhicule électrique. Mais pour de très grande distance il vaudra mieux l’hydrogène. S’il y avait une priorité de substitution, cela serait pour Laurent de substituer tous les véhicules 2 roues thermiques. Mais en voulant réduire la pollution locale grâce à l’hydrogène ou à l'électrique, on ne fait que déplacer la pollution autre part, par exemple vers les mines de terres rares en Chine ou encore vers les décharges nucléaires… [Ev18].
Entre l’hydrogène et l’électrique, laquelle est la meilleure solution ? Pour le PDG de l’entreprise Volkswagen, Herbert Diess, “Pour la même distance parcourue avec l’hydrogène, on consomme 3 fois (ou 2,5 fois) plus d’énergie qu’avec l’électricité directement.” , “Le PDG de VW a répondu : “L’hydrogène est moins efficient.” [Ev19]. On comprend clairement dans quel camp il se positionne. Pour confirmer leur propos et montrer qu’ils ont raison, des experts du groupe Volkswagen ont fait un calcul permettant d’estimer la quantité d’énergie consommée pour 200.000 kilomètre nécessaire pour faire avancer la voiture mais aussi pour fabriquer la voiture en elle-même, ils obtenu le graphique suivant [Ev19] :
Réponse : La voiture à hydrogène consomme 1,7 fois plus que la voiture à batterie électrique. Cela s’explique par la fabrication de la pile à combustible et du réservoir capable de résister à une pression de 700 atmosphères qui sont très énergivores. Il s’agit également surtout du mauvais rendement de la chaîne hydrogène qui fait plomber le bilan total.
Comparaison hydrogène / électrique [Ev20]:
TAUX DE CO2 :
Avec de l’hydrogène produit par reformage d’hydrocarbures, combiné à la consommation d’un véhicule hydrogène (1 kg/ 100 km), on arrive à 100 g CO2/km soit pas vraiment mieux qu’un véhicule diesel récent… Il vaut mieux utiliser l’hydrogène vert où l’émission de CO2 serait à 0 kg CO2/ km à défaut d’en payer le prix.
Avec le véhicule électrique ça se complique. En France, produire 1 kWh d’électricité émet 100 g de CO2 grâce au nucléaire mais pour des pays comme les États-Unis ou la Chine, nous sommes sur des chiffres beaucoup plus élevés, 500 g aux États-Unis contre 700 g en Chine. Combiné à la consommation d’un véhicule électrique (200 Wh/km), on obtient 20 g/km de CO2 émis pour la France, 100 g/km aux USA et 140 g/km en Chine. En France, le résultat est plutôt intéressant, en revanche pour les États-Unis ou la Chine, un véhicule diesel fait mieux.
L’hydrogène vert remporte cette manche !
ENERGIE NÉCESSAIRE :
En moyenne, un véhicule électrique consomme 200 Wh/km, en roulant 20 000 km/an, on obtient une consommation annuelle de 4 MWh. Si on mettait tout le parc de voitures, soit 25 millions de voitures, à l’électrique, on arriverait à 100 millions de MWh (= 100 TWh). Cela représente 19% de l’énergie produite par le réseau français en 2017, ce qui est gigantesque.
Pour de l’hydrogène vert maintenant, il faut en moyenne 65 kWh pour en produire 1 kg par électrolyse de l’eau, combiné à la consommation d’un véhicule hydrogène (1 kg/ 100 km), on arrive à 650 Wh/km soit 3 fois la consommation d’un véhicule électrique. Sur an, cela correspondrait à 60% de l’énergie annuelle produite par le réseau français, quelque chose d’inimaginable.
La voiture électrique remporte cette manche !
Acceptabilité sociale:
Pour finir, le véhicule à hydrogène est maintenant déployé dans plusieurs grandes villes en France, notamment dans les flottes municipales (bus, benne à ordure, navette fluviale). Son utilisation reste encore en questionnement. Aujourd’hui le marché des véhicules à hydrogène s’ouvre aux particuliers avec la voiture. Mais la question que l’on peut se poser est celle de son acceptabilité sociale [S1] dans le monde dans lequel nous vivons.
Pour cela on peut se concentrer sur les différents processus permettant d’évaluer cette acceptabilité et sur les potentielles réactions de la population face à cette nouvelle technologie proposée.
Pour connaître les différents moyens d’acceptabilité sociale, plusieurs moyens existent comme les questionnaires, les entretiens semi-directifs ou encore les « living labs ». La conception du questionnaire permet une enquête similaire entre différents terrains et ainsi de comparer les résultats. En prenant l’exemple du questionnaire pour le projet Navibus H2 à Nantes, il est construit de manière à récolter le plus d’informations en un minimum de temps. Le projet Navibus H2 à Nantes est l’implémentation de navettes à hydrogène permettant de traverser la rivière Erdre. Le questionnaire est développé en plusieurs parties : observation, utilisation du Navibus, hydrogène, transition énergétique et talon. Les 2 premières parties permettent d’indiquer la date et lieu de passage et de recueillir les informations sur les habitudes actuelles des enquêtés avec la navette fluviale. Pour la partie hydrogène celle-ci amène le thème de l’hydrogène de manière simple et permet de d’exprimer en quelque mots ce qu’associe la personne enquêtée au mot « hydrogène » puis entrer progressivement dans le sujet notamment par demander ce à quoi pourrait être les navette si elles étaient à l’hydrogène. Et enfin les 2 dernières parties sont sur l’implication de la personne enquêtée dans le développement durable et la transition énergétique. Et la récolte d’informations sociodémographiques de personnes interrogées. L’étude de l’acceptabilité sociale de l’hydrogène à Nantes fut par le prisme de questionnaire sur des usagers, agents de la société porteuse du projet et acteurs du quartier porteurs.
Pour les entretiens semi-directifs, prenons l’exemple du projet HyWay à Lyon [S3], ou encore le projet Navibus H2. C’est un projet qui a pour but d’implémenter des stations de recharges H2 (à Lyon et Grenoble) et commercialiser une flotte de 50 véhicules électriques équipés d’un prolongateur d’autonomie à hydrogène. Pour le déploiement de ce projet, il a été mis en place différents entretiens semi-directifs qui sont comme pour les questionnaires, un enquête similaire entre les différents terrains afin de pouvoir comparer les résultats. Des questions complémentaires sont ajoutées comme par exemple si la personne a déjà utilisé un véhicule à hydrogène. Les personnes enquêtées sont une trentaine d’utilisateurs de véhicules ainsi que les acteurs gravitant autour du projet, comme des membres de la Métropole de Lyon. Le but de l’entretien semi-directif est de permettre une certaine liberté dans le discours de la personne enquêtée et de la mettre en confiance, ce qui lui permet de se livrer sans crainte.
Ainsi ces 2 manières d’enquêter sur l’acceptabilité sociale montre certaines similitudes dans les représentations et les attentes sur l’hydrogène. Tout d’abord, pour le projet Navibus, le respect de l’environnement, l’économie d’énergie, la sécurité et la confiance sont les principales exigences des usagers. De plus, ils donnent l’image de l’hydrogène comme un gaz lié à l’écologie et l’innovation avec des risques plus ou moins limités. De même pour les interrogés du projet HyWay, il y a de fortes attentes sur le respect de l’environnement. Mais toutefois, certains membres de la métropole de Lyon restent assez réticents concernant l’efficacité ainsi que la rentabilité face aux autres énergies existantes. En effet les réflexions semblent orientées vers une complémentarité entre les sources d’énergies au lieu d’une priorisation. Tandis que les usagers eux sont plutôt favorable et espère des améliorations sur la partie technique (autonomie, réseaux de recharge, maintenance de véhicule). Pour résumer, la partie économique ne semble pas être un facteur décisif dans l’acceptabilité sociale (du moins pour ces deux projets).
On peut se poser la question quels sont les facteurs sociaux qui font que certains privilégient l’environnement, d'autres le rendement ou la sécurité alors que certains sont peu concernés voire réfractaires. Tout d’abord pour le projet Navibus, il semblerait que les étudiants ou les personnes avec des années d'études soient sensibles aux efforts réalisés pour limiter la pollution de l’environnement. Et pour le projet HyWay où se sont les utilisateurs de véhicule à hydrogène qui ont un intérêt plus fort sur la rentabilité. Les membres de la métropole, quant à eux, sont un peu plus réfractaires et doutent de la rentabilité et favorisent la communication et l’éducation sur le sujet. Ces différences d’intérêts viennent ici des croyances et vécus de chacun avec l’hydrogène.
On peut donc distinguer deux niveaux d’acceptabilité sociale, un niveau étendu et restreint. Le niveau étendu s’apparente aux représentations, aux attentes communes par rapport à l’hydrogène, comme l’impact écologique ou encore économique. Puis le niveau restreint qui lui se limite aux représentations et attentes d’un groupe d’individus et met en avant la différence de connaissance et de croyance sur le moteur à hydrogène. [S3]
Pour faire face aux différents écarts d’études ou de connaissances ou encore de croyances, certains projets font appel à un nouveau système pour connaître l’avis de la population et faire participer activement, celle-ci, sur différents projets.
On peut définir un Living labs de cette manière : «regroupe des acteurs publics, privés, des entreprises, des associations, des acteurs individuels, dans l’objectif de tester dans des conditions réelles et écologiques, des services, des outils ou des usages nouveaux dont la valeur soit reconnue par le marché. L’innovation alors ne passe plus par une approche classique (recherche en laboratoires, R&D, puis développement industriel), mais de plus en plus par les usages. Tout cela se passe en coopération entre des collectivités locales, des entreprises, des laboratoires de recherche, ainsi que des utilisateurs potentiels. Il s’agit de favoriser la culture ouverte, partager les réseaux et obtenir l’engagement des utilisateurs dès le début de la conception.» Selon la définition du réseau européen des Living Labs ENoLL (European Network of Living Labs). [S3]
L’objectif des LL (Living Labs) est de mieux satisfaire les besoins qui s’expriment dans la société mais aussi d'augmenter la qualité des produits, services et technologies, afin de conquérir de nouveaux marchés. [S4]
On peut retrouver ce genre d’initiative dans les projets comme THETYS (Transition énergétique, territoires, hydrogène et société) [S5] qui a pour but de produire une analyse sociétale, multidisciplinaire et comparative, de la mise en place d’un nouveau vecteur énergétique (l’hydrogène) dans trois territoires français. Ce projet propose de répondre, avec la collaboration d’autres acteurs du territoire, à un ensemble de questions liées au processus de transition énergétique liée à l’hydrogène. [S6]
Pour le résultat du living labs, il s’est posé la question suivante : les technologies du « vecteur énergétique » sont-elles conviviales ?
Il s’en est conclu que les électrolyseurs ont un rendement peu intéressant pour le marché de masse, et qu’il ne peut pas remplacer le pétrole dans sa praticité et son coût. C’est une technologie complexe et coûteuse, et aussi assez dangereuse qui nécessite un niveau élevé de sécurité et de sûreté des installations. [S6]
Sauf que les living labs comportent différents problèmes, comme les LL ont une forme diverse et variable (de la conférence à des dispositifs d’enquête participative) il est probable que parfois les règles mis en place soient complexes et donc la dynamique des LL soit remis en cause avec une participation de personnes plus qualifiés par leurs connaissances et leurs études face aux personnes ayant peu de relations avec le sujet. Il en arrive à un phénomène inverse ou Les Living labs se transforment en « show » labs ou seuls les chercheurs, ingénieurs participent et non les potentiels futurs usagers. On peut avoir l’effet inverse où seules les personnes ayant beaucoup d’aprioris et de croyances soient les seuls à participer et laissant les chercheurs et ingénieurs passifs.
Pour conclure, le véhicule à hydrogène reste encore très méconnu du grand public ce qui donne parfois quelques réticences et peu d’intéressement comme il peut y avoir des réactions pouvant être positives en ayant toujours une dynamique écologique. Cette acceptabilité se mesure passivement avec les sondages, questionnaires et entretiens ou activement avec les living labs, chacune de ces méthodes comporte des limites sociales (niveau d’étude, croyance). [S4]
RECYCLAGE
Les piles à combustibles (PAC) n’ont pas une durée de vie illimitée, H2 mobile estime que les piles PEMFC (Proton-Exchange Membrane Fuel Cell) seront arrivées à leur fin de vie en 2030. De plus, dans certaines piles, il y a la présence de matériaux rares et chers qui servent de revêtement des électrodes. C’est pourquoi la question de la mise en place d’un processus de recyclage est sérieusement envisagée. Malheureusement, actuellement aucun procédé de recyclage sur mesure pour les piles à combustibles n’existe encore à l'échelle industrielle [Ev21].
Dans les piles à combustibles, le platine et le ruthénium sont présents et il existe un procédé de recyclage appelé recyclage pyrométallurgique qui permet de récupérer facilement, par traitement thermique à haute température, ces métaux. On pourrait appliquer cette technique de recyclage sur les piles à combustible mais cela produirait des composés fluorés très toxiques. À grande échelle, il serait difficile de purifier ces gaz résiduels. De plus, avec ce scénario, l’acier et l’aluminium qui composent également une PAC seraient étroitement perdus [Ev21].
Le projet BRecycle financé par le ministère fédéral des Affaires économiques et de l’Energie a été lancé par l'institut de recherche Fraunhofer et 4 autres partenaires (Proton Motor Fuel Cell GmbH, Mairec Edelmetallgesellschaft mbH, Electrocycling GmbH, et Klein Anlagenbau AG) afin de définir une nouvelle approche de recyclage spécialement pour les PAC. Leur objectif est de récupérer le maximum de matières premières pour les utiliser à nouveau ou en faire commerce tout en étant viable économiquement et en respectant les normes environnementales [Ev21].
En 2021, nous sommes encore très loin d'avoir une idée du recyclage des éléments techniques des véhicules à hydrogène. Ainsi, même en étant très optimiste sur le sujet du recyclage des matériaux, on peut admettre que ces véhicules feront apparaître des déchets divers. En ce sens, il y a tout lieu de penser que les pays recevant massivement les déchets de la planète seront les mêmes dans les années futures. Bien que la Chine ait récemment pris la décision de cesser les importations de déchets plastiques sur son territoire, [G9] les pays d'Asie du Sud ou l'Afrique risquent vraisemblablement de la suppléer. Cela entraînerait une pollution visuelle et environnementale ainsi que des conflits entre États quant à la gestion de ces déchets.
Le déploiement d'une industrie du recyclage doit alors impérativement voir le jour si l'on souhaite développer à grande échelle le secteur de la mobilité hydrogène tout en respectant les engagements primaires de la filière, que sont la baisse des émissions de GES.
SYNTHÈSE
Comme nous l’avons évoqué à travers nos différents axes de travail, la mise en place d’une mobilité hydrogène fait naître de multiples questionnements. Tout d’abord, la simple mise en forme d’une pile à combustible pose problème de par son impact environnemental, mais également l’aspect technique où chacun des acteurs ont pour objectif de développer la pile idéale qui serait la plus compacte possible avec une efficacité maximale.
En effet, malgré le fait que la pile à combustion permette de ne rejeter que de la vapeur et donc être idéale sur le plan écologique, la fabrication de ce moteur est, lui, beaucoup plus polluant. Dans le but de récupérer l’hydrogène, beaucoup d’émissions de CO2 sortent des usines. Cependant 2 solutions peuvent s’offrir à nous, le moteur par électrolyse, sous condition que l'électricité provienne d'énergies renouvelables, et la récupération du CO2 en sortie d’usine afin de l’injecter dans les sols comme par exemple dans les nappes phréatiques, ou dans les gisements de pétrole.
De plus, ces véhicules à hydrogène, bien qu’encore au stade de recherche montrent qu’un avenir est peut-être à prévoir avec l’hydrogène. Il reste tout de même beaucoup de choses à améliorer dans la production, le stockage et la combustion de ce gaz.
Cette course effrénée à la pile à combustible idéale, à l’hydrogène le plus vert possible mais aussi au pays qui déploiera cette technologie en premier, n’est pas sans conséquences. En effet, le développement de cette forme d’énergie profite à certains acteurs qui se verraient bien prendre la place des multinationales du pétrole que l’on connaît aujourd’hui. Ce développement est poussé par les États qui sont prêts à miser plusieurs milliards d’euros pour mener la filière hydrogène à bien d’ici quelques années.
Enfin, l’implémentation de cette nouvelle technologie au sein de la société soulève des questions sur son acceptation sociale. En effet, quels sont les impacts sur la société que le moteur à hydrogène peut avoir, mais aussi quelles sont les attentes des futurs consommateurs et acteurs sur la mise en place de l’hydrogène.
En conclusion, l’hydrogène est depuis longtemps abordé par les scientifiques mais suscite toutefois encore quelques retenues au niveau de la rentabilité, de l’émission de CO2 ou encore de l’acceptation par la société. Alors, le moteur à hydrogène peut-il être vraiment le moteur du futur et concurrencer voire surpasser le moteur électrique ?
Si notre développement ne vous a pas permis de trancher sur cette question, nous vous invitons à consulter nos entretiens avec des spécialistes du sujet.